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Non, la bulle immobilière ne va pas éclater
Aux Etats-Unis, la finance a pris des proportions démesurées et s’est déconnectée de la réalité du marché, des investissements et de l’économie réelle au point où elle est devenue trop abstraite, se réduisant en une suite de chiffres et des produits financiers. L’histoire s’est refaite en 2008 avec la crise des supprimes, qui a engendré l’effondrement de l’immobilier aux USA, en Espagne et dans beaucoup de pays. Les taux dynamiques de crédit ont flambé comme le feu dans une botte de foin, mettant en difficulté des millions d’emprunteurs, les poussant à vendre rapidement leur patrimoine immobilier pour rembourser leurs banques.
Comment éclate une bulle immobilière ?
C’est la panique qui fait éclater une bulle immobilière, suite à une crise économique systémique ou sectorielle. Et c’est la conséquence de la déconnexion de la finance du monde réel qui a fait déclencher la crise de 1929 avec les répercutions internationales qu’on connait.
Certes, les prix de l’immobilier en Algérie ont tendance à se déconnecter de la réalité du pouvoir d’achat, mais ceci ne va pas forcement engendrer l’éclatement de ce que nous appelons communément « la bulle immobilière ». Cette déconnexion du marché remonte déjà à plusieurs années et aucun des trois facteurs déclencheurs d’un éclatement de la bulle immobilière n’est sérieusement envisageable en Algérie.
L’Etat, premier promoteur immobilier
Aujourd’hui, un couple de cadres ne peut pas avoir les moyens pour acheter sur le marché libre un F3 dans la capitale algérienne. La location avec l’avance annuelle devient de plus en plus difficile d’accès, mais d’un autre côté, l’Etat construit beaucoup de logements ; AADL, LPL, LPA, Rural, lotissements sociaux etc.
Il est nécessaire si on veut comprendre le marché immobilier algérien et l’analyser de connaitre le poids de l’Etat dans la production des logements. Le ministre de l’habitat de l’urbanisme et de la ville a récemment déclaré que l’Etat sera toujours là pour maintenir une offre de logement. Rappelons que l‘Etat est le premier promoteur immobilier avec près de 90% des nouvelles constructions annuelles.
D’après les données de la CNL de 2018, la promotion privée ne produit que 8000 logements par an. En additionnant l’auto construction officielle (7000 permis de construire) et la construction anarchique (estimée à 8000 logements / an) l’offre privée ne dépasse pas 23.000 logements par an contre près de 230.000 logements publics livrés chaque année.
Rappelant aussi que le premier facteur de l’éclatement d’une bulle immobilière est une abondance de l’offre qui induit une concurrence accrue, se traduisant par une baisse drastique des prix dans un lapse de temps court. Comme l’Etat est de loin l’unique promoteur, les capacités annuelles sont en deçà de la demande et un éclatement de la bulle ne viendra pas de ce côté-là.
Panique des investisseurs
L’autre paramètre qui peut déclencher l’éclatement de la bulle immobilière est la panique des investisseurs immobiliers. Existe-il des investisseurs immobiliers en Algérie ? Oui, mais pas assez pour influencer le marché national. La quasi-totalité des propriétaires (près de 70% des algériens) ont accédé à la propriété par héritage ou via une aide de l’état et ne sont pas de vrais investisseurs, au sens propre du mot.
Dans un marché dominé par l’investissement locatif (ce qui n’est pas le cas en Algérie), l’année du hirak qu’a connu l’Algérie aurait fait éclater la bulle immobilière dès la fin mars. Un investisseur a peur du changement. L’instabilité politique qu’a connu l’Algérie l’année dernière aurait fait fuir tout investissement, ce qui se serait traduit par une vente massive des actifs immobiliers et aurait fait baisser le prix des biens immobiliers par vagues. Comme l’acheteur est par définition à la recherche de « la bonne affaire », il patientera encore pour faire baisser le prix jusqu’à arriver à un équilibre ; un équilibre ou le vendeur peu vendre à perte afin de récupérer une partie de son investissement.
Crise économique
La crise économique peut influencer, elle aussi, le marché immobilier et le tirer vers la catastrophe. Si la crise est économique, la liquidité devient une denrée rare, c’était le cas à la fin du règne de Bouteflika avec le recours à la planche à billet pour injecter 7.000 milliards de dinars en deux années. Quand la crise de liquidité s’inscrit dans la durée, le coût d’achat de l’argent augmente et fait augmenter par ricochet, les taux d’intérêt des crédits immobiliers.
Toute personne ayant un crédit immobilier, même aidé, verra ses mensualités doublées voire triplées. Il est utile de rappeler que les taux d’intérêt en Algérie sont par défaut dynamiques sur la durée du crédit et toute augmentation est répercutée sur l’emprunteur. Cette augmentation qui peut être rapide et vertigineuse fera tomber des milliers de personnes en impayé. Les banques après 6 mois à une année, déclarent les créances compromises (irrécupérables) et lanceront la procédure de saisie des biens hypothéqués.
Des biens immobiliers qui seront vendus aux enchères à bas prix. Si l’ampleur de la crise est importante, comme c’était le cas en Espagne en 2008, les prix peuvent chuter drastiquement. C’est le seul cas qui fera éclater la bulle immobilière en Algérie et à ce stade il n’y aura pas que l’immobilier qui éclatera mais tout le pays.