Vu la Constitution, notamment son article 49 ;
Vu l’ordonnance n° 75-58 du 26 septembre 1975 portant code civil ;
Vu la loi n° 84—11 du 9 juin 1984 portant code de la famille, notamment ses articles 213 à 220 ;
Vu la loi n° 84—12 du 23 juin 1984 portant régime général des forêts ;
Vu la loi n° 84—17 du 7 juillet 1984 portant lois de finances, modifiée et complétée ;
Vu la loi n° 88-27 du 12 juillet 1988 portant organisation du notariat ;
Vu la loi n° 90-25 du 18 novembre 1990 portant orientation foncière, notamment son article 32 ;
Vu la loi n° 90-31 du 4 décembre 1990 relative aux associations ;
Vu la loi n° 90-30 du 1°' décembre 1990 portant loi domaniale ;
Article 1 :
— La présente loi définit les règles générales d’organisation et de fonctionnement des biens Wakf, leur préservation et leur protection.
Article 2 :
— Tous les articles de la présente loi sont inspirés de la Chariâ islamique et il doit être de même pour toute question en la matière non prévue dans le présent texte.
Article 3 :
_ — Le wakf est l’acte par lequel est rendue impossible l’appropriation d’un bien en son essence, pour toute personne, de façon perpétuelle, pour en attribuer l’usufruit aux nécessiteux ou à des œuvres de bienfaisance.
Article 4 :
— Le wakf est un acte par lequel une volonté individuelle s’engage à faire une donation.
Il est considéré valide si les procédures en vigueur sont réunies, sous réserve des dispositions de l’article 2, sus mentionné.
Article 5 :
— Le wakf n’est pas la propriété de personnes physiques ou morales. Il est doté de la personnalité morale ; l’Etat veille au respect de la volonté du constituant du wakf et à son accomplissement.
Article 6 :
— Il y a deux sortes de wakf: le wakf public et le wakf privé.
— Le wakf public consiste en des biens initialement constitués au profit d’institutions de bienfaisance ; la rente de ce wakf est affectée à la participation aux bonnes œuvres. Elle est de deux sortes :
— une sorte pour laquelle il est fixé à la rente une destination déterminée de laquelle elle ne peut être écartée au profit d’autres bonnes œuvres à moins qu’elle ne vienne à s’épuiser.
— une seconde sorte pour laquelle la destination de la rente n'est pas définie par le constituant et sera dénommé alors wakf public à des destination indéterminée; cette rente servira à subventionner la diffusion des sciences islamiques, à encourager les recherches qui s’y rattachent et les bonnes œuvres.
— le wakf privé est le bien dont le constituant fait bénéficier ses ascendants garçons ou filles ou bien encore des personnes nommément désignées; à l’extinction de la lignée des dévolutaires, le wakf est versé à l’œuvre à laquelle il est destiné par la volonté du constituant.
Article 7 :
— Le wakf privé se transforme en wakf public s’il n’est pas accepté par les dévolutaires.
Article 8 :
— Les wakfs publics protégés par la loi sont :
1) les lieux où sont célébrés les rites religieux,
2) les meubles et immeubles dépendant de ces lieux, qu’ils leur soient contigus ou éloignés,
3) les biens, les immeubles et les meubles constitués en biens wakfs au profit des associations, des institutions et des œuvres religieuses,
4) les biens immeubles reconnus wakfs et enregistrés auprès des instances judiciaires,
5) tout bien dont la qualité de wakf serait reconnue ultérieurement par des documents officiels ou bien par le témoignage de personnes de bonne moralité habitant le lieu où est implanté l’immeuble,
6) les wakfs authentifiés par acte légal et versés aux biens domaniaux ou attribués à des personnes physiques ou morales,
7) les Wakfs privés dont le dévolutaire n’est pas connu,
8) tous les biens qui ont été versés aux biens wakfs publics dont on ignore le constituant autant que le dévolutaire et qui sont reconnus notoirement connue étant wakfs,
9) les biens, les immeubles et meubles constitués en biens wakfs ou reconnus comme tels et situés hors du territoire national.
Les modalités d’application du présent article, seront déterminées, en cas de besoin, par voie réglementaire.
Article 9 :
— Les éléments fondamentaux du wakf sont :
1) le constituant,
2) la fondation, .
3) la formule de la constitution du bien wakf,
4) le dévolutaire.
Article 10 :
— Pour que le wakf soit valable, il est exigé du constituant ce qui suit :
1) qu’il soit propriétaire de l’objet de la fondation, d’une façon absolue,
2) qu’il soit apte à disposer de ses biens et non frappé d’interdiction pour incapacité ou créance.
Article 11 :
— La fondation est constituée soit par un bien meuble ou immeuble soit par un usufruit.
La fondation doit être connue, déterminée et possédant le caractère licite.
La constitution d’un bien indivis est valable ; dans ce cas, le retrait de l’indivision devient obligatoire.
Article 12 :
— La formule de la constitution du bien wakf est, soit verbale, soit scripturale, soit par signe, selon des modalités qui seront précisées par voie réglementaire sous réserve des dispositions de l’article 2 susvisé.
Article 13 :
— Le dévolutaire est le destinataire désigné par le constituant dans l’acte de bien wakf. Il peut être une personne déterminée physique ou morale.
La personne physique ne peut avoir droit au bien wakf que si elle existe et accepte la fondation. S’agissant de la personne morale, elle ne peut y prétendre que si elle n’est pas entâchée d’un vice réprouvé par la Chariâ.
Article 14 :
— L’organisation du bien wakf est soumise aux conditions imposées par le constituant tant que celles-ci ne sont pas réprouvées par la Chariâ islamique.
Article 15 :
— Il est permis au constituant de revenir sur certaines clauses de l’acte de fondation, s’il est stipulé dans le dit acte une telle possibilité.
Article 16 :
— Il est permis au juge d’annuler toute clause imposée par le constituant sur sa fondation si une telle clauses est contraire au caractère impératif de la fondation ou nuisible au destinataire ou à ses intérêts.
Article 17 :
— La validité de l’acte de constitution annule la propriété du constituant. L’usurfruit revient alors au dévolutaire dans les limites des dispositions et des clauses de l’acte de constitution.
Article 18 :
— Le droit à l’usurfruit du bien wakf est limité à un droit sur le produit. Le dévolutaire est tenu à son exploitation qui n’anéantirait point le bien en lui-même. Son droit est donc un droit de jouissance et non un droit de propriété.
Article 19 :
— Il est permis au dévolutaire du wakf de céder son droit d’usufruit sans que cela constitue une annulation de la fondation initiale.
Article 20 :
- Le wakf public, ne peut être cédé qu’au bénéfice d’une des bonnes œuvres pour lesquelles il a été constitué initialement, après accord express de l’autorité chargée des biens wakfs.
Article 21 :
—pll est permis au dévolutaire du wakf de donner en gage aux créanciers sa part d’usufruit seulement ou du prix qui lui en revient.
Article 22 :
— Les wakfs privés demeurent sous la responsabilité des dévolutaires légaux désignés selon les conditions stipulées par le constituant, ou bien des personnes bénéficiant de ces wakfs par arrêt du juge. Immédiatement après extinction de la lignée des dévolutaires, ces wakfs sont dévolus à l’autorité chargée des biens wakfs, sauf si le constituant a déterminé, par ailleurs, la dévolution de son wakf.
Article 23 :
— Nul ne peut aliéner l’essence du wakf, objet de jouissance, de quelque manière que ce soit: vente, donation ou désistement au profit d’une tierce personne.
Article 24 :
— Nul ne peut échanger l’essence d'un bien wakf ou de la troquer contre un autre bien, sauf dans les cas suivants :
— le cas où le wakf est en voie d’effondrement ou de disparition,
— le cas où la perte de jouissance du bien wakf est consécutive à l’impossibilité de la remise en état,
—le cas de nécessité publique tel l’extention d’une mosquée, d’un cimetière ou d’une voie publique, dans les limites permises par la chariâ,
— le cas de l’annulation de la jouissance portant sur l’immeuble constitué en fondation, et l’impossibilité d’en tirer un quelconque profit, sous réserve qu’il soit remplacé par un bien immeuble similaire ou meilleur que lui.
Les cas précédents sont confirmés par une décision de l’autorité de tutelle après constat et expertise.
Article 25 :
— Toute modification — construction ou plantation— est rattachée à l’essence du bien wakf et celui-ci subsiste légalement, quelque soit la nature de cette modification.
Les cas litigieux contraires aux dispositions de cet article sont réglés à l’amiable entre les personnes concernées et l’autorité chargée des biens wakfs, conformément aux dispositions de cette loi, sous réserve des dispositions de l’article 2 ci-dessus.
Article 26 :
— Les conditions de l’administration des biens wakfs et les modalités de leur gestion seront définies par voie réglementaire.
Article 27 :
— Toute constitution d’un bien wakf contraire aux dispositions de cette loi est nulle, sous réserve des dispositions de l’article 2 ci—dessus.
Article 28 :
— Le wakf est frappé de nullité s’il est limité dans le temps.
Article 29 :
— Le wakf n’est point légalement valable s’il est stipulé une clause contraire aux textes de la chariâ islamique ; s’il en est ainsi, la clause est annulée et le wakf est valide.
Article 30 :
— Le wakf constitué par un enfant est frappé de nullité d’une façon absolue, qu’il soit capable de discernement ou qu’il en soit incapable, même s’il en a l’aval de son tuteur.
Article 31 :
— Le wakf constitué par le fou oul’idiot n’est pas valable vu que le wafk, est un acte d’aliénation du bien qui requiert la capacité de gérer ; cependant la personne sujette à des crises de folie intermittente, peut constituer un wakf pendant sa reprise de conscience et de ses facultés mentales, à condition que cette reprise de conscience soit constatée par l’un des moyens légaux.
Article 32 :
— Les créanciers ont le droit de demander l'annulation du wafk qui aurait été établi par le constituant alors qu'il était atteint de la maladie qui l’a conduit au trépas, lorsque les créances absorberaient la totalité de ses biens.
Article 33 :
La gestion du bien wafk est confiée à un intendant appelé « Nâdhir » selon des modalités qui seront précisées par voie règlementaire.
Article 34 :
— Un texte règlementaire ultérieur fixera les conditions de la nomination du Nâdhir, ses droits et les limites de ses prérogatives.
Article 35 :
— Le wakf est constaté par toutes les voies légales précisées par la chariâ islamique, sous réserve des dispositions des articles 29 et 30 de la présente loi.
Article 36 :
— Toute personne qui exploite en cachette ou d’une manière frauduleuse, ou qui dissimule des actes d'un bien wakf, ou des documents le concernant, ou qui les falsifie, est passible des peines prévues par le code pénal.
Article 37 :
— Les biens immeubles et les biens meubles consacrés wakf au profit des associations et des institutions sont dévolus à l’autorité chargée des wakfs publics lorsque ces associations sont dissoutes ou bien lorsque prend fin la mission pour laquelle elles ont été constituées, et lorsque le constituant n’a pas fixé un autre dévolutaire du wakf, selon les procédures qui seront définies par voie réglementaire.
Article 38 :
— Les biens wakfs nationalisés dans le cadre ‘ des dispositions de l’ordonnance -n° 71-73 du 8 novembre 1971, portant révolution agraire, seront restitués, s’il est établi qu’ils sont tels selon la chariâ islamique et dans la légalité, et seront dévolus aux déstinataires initiaux; à défaut de ces derniers, ils seront dévolus à l'autorité chargée des wakfs.
Les wakfs qui ont subi une aliénation rendant impossible la récupération de l’entité physique constituée, doivent être l'objet d'indemnisation conformément aux procédures en vigueur, sous réserve des dispositions de l’article 2 ci—dessus.
Article 39 :
La situation des bénéficiaires dont les parcelles sont concernées par les dispositions de l'article 36 ci-dessus sera règlée conformément aux, dispositions des articles 78, 79, 80, 81 et 82 de la loi n° 90-25 du 18 novembre 1990, portant orientation foncière.
Article 40 :
— Lors de l’application des dispositions de l’article 81 de la loi n° 90-25 du 18 novembre 1990, les destinataires des biens wakfs ou l’autorité chargée des biens wakfs, se substituent au propriétaire initial et les délais prévus par l’article sus-mentionné ne seront pas appliqués.
Article 41 :
— Le constituant doit faire dresser l’acte de la constitution du wakf auprès du notaire et auprès des services chargés du registre foncier, qui sont tenus de lui établir un certificat à cet effet et d’en transmettre une copie à l’autorité chargée des biens wakfs.
Article 42 :
— Les biens wakfs sont donnés en location selon les dispositions des lois et règlements en vigueur, sous réserve des dispositions de la chariâa islamique.
Article 43 :
— L’autorité chargée des biens wakfs bénéficie du payement en dinar symbolique en contre partie des terres sur lesquelles seront contruites des mosquées, si ces parcelles font partie du domaine national.
Les modalités d’application du présent article seront fixées par voie règlementaire.
Article 44 :
— Sont exempts de la taxe d’enregistrement, des impôts et autres taxes, les biens wakfs, vu le caractère de bienfaisance et de charité qui leur est attaché.
Article 45 :
45. — Les biens wakfs sont mis en valeur selon le vœu du contituant et conformément à l’esprit de la chariâ islamique en matière de wakfs. Les modalités de cette mise en valeur seront définies par voie réglementaire.
Article 46 :
—_ L’autorité chargée des biens wakfs est l’instance habilitée à accepter les biens wakfs; elle veille à leur gestion et à leur préservation.
Article 47 :
— L'autorité chargée des biens wakfs a le droit de superviser, le cas échéant, l’administration des wakfs privés, de les promouvoir et de garantir leur bonne gestion conformément, à la volonté du constituant.
Article 48 :
— Les juridictions compétentes dans la circonscription desquelles se trouve le bien wakf, sont habilitées à instruire les affaires de contentieux concernant les biens wakfs.
Article 49 :
Toutes. les dispositions contraires à la présente loi sont abrogées.
Article 50 :
— La présente loi sera publiée au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire.
Fait à Alger, 27 Avril 1991