Logement
Tebboune revient sur les questions AADL et LPP
Elle se déroule normalement comme on le prévoyait. Selon mes informations, la coupure d’Internet n’a pas beaucoup influé sur l’opération. Les services concernés ont été très généreux avec nous en permettant aux souscripteurs d’effectuer leurs démarches.
Des souscripteurs LPP ont adressé une lettre au Président pour dénoncer un « énième revirement »…
En toute honnêteté, cette contestation a commencé dès le lancement de l’opération. Ce qui est bizarre d’ailleurs. Cette formule est venue répondre à une énorme pression exercée par la classe moyenne- supérieure, qu’elle soit dans le secteur public ou privé, une catégorie qui n’était pas éligible aux formules précédentes ( NDLR AADL, LSP). Elle n’avait aucune possibilité d’aller vers le secteur privé de la promotion immobilière qui est extrêmement spéculatif.
Un mois après le lancement de cette formule, la contestation a commencé. C’était d’abord des sit-in, pour soit-disant dénoncer l’absence d’un ancrage juridique et réglementaire. Nous avons compris rapidement que cela était l’œuvre d’un lobby puissant dont les intérêts étaient menacés avec le lancement de cette opération.
Il s’agit quand même de 50 000 personnes qui vont échapper à la spéculation. Nous avons réglé ce problème par un décret qui a remis en ordre les choses. Nous avons constaté, après que certains voulaient une similitude avec le secteur privé, c’est-à-dire la possibilité d’acheter sur plan, alors que cette opération n’est pas soumise aux règles de la promotion privée. On a dit ensuite que le ministre a menti en révisant à la hausse le prix du m². Jamais quelqu’un, surtout pas le ministre, n’a parlé de 45 000 DA le m². On a par contre attesté, et je le confirme aujourd’hui, que le prix du logement LPP sera nettement moins cher en comparaison aux prix pratiqués par les promoteurs privés.
Retenez bien que 45 000 le m² est presque à peu prêt le coût d’un mètre carré du logement social. C’est nettement au-dessous du coût de l’AADL. Comment peut-on construire des logements promotionnels de haut standing à un prix aussi bas. Maintenant, une polémique est née sur le montant du deuxième versement qui a été fixé à un million de dinars.
Les souscripteurs se disent lésés affirmant que le deuxième versement a été fixé dans un premier temps à 500 000 DA…
D’abord, je dois vous informer que 5 000 souscripteurs ont retiré les ordres de versement à Alger, 48 heures seulement après l’ouverture des guichets, ( NDLR : entretien réalisé le lundi 26 octobre)… Sachez que le l’ENPI a reçu une lettre officielle du CPA qui est le pourvoyeur de fonds, puisqu’il s’agit d’une opération bancaire et non d’une opération du Trésor. Dans cette lettre, la banque a conditionné le financement des logements LPP au paiement par les souscripteurs d’un apport initial estimé à 25% du prix de logement qui sera entre 8,5 à 9,5 millions de DA. En d’autres termes, les souscripteurs devaient payer 2,2 millions de dinars et non 1,5 million, comme c’est le cas aujourd’hui. Dites-mois, elle est où la méchanceté dans ce cas ?
Les souscripteurs LPP seront-ils appelés à payer une troisième tranche pour répondre aux exigences du CPA ?
De toute manière, il y a une certitude financière. Le CPA finance le logement LPP à hauteur de 80%. Pour ceux qui paieront leur logement cash, la question ne se posera pas. Pour ceux qui vont contracter un crédit CPA, ils doivent savoir qu’ils devront obligatoirement verser un apport personnel estimé à 20% du prix global du logement.
Donc, il y aura bien une autre tranche ?
Il faut comprendre que c’est une règle du CPA qui est appliquée aussi pour les souscripteurs aux logements AADL. Le ministère exigera ce qu’il a exigé à ce jour, c’est-à-dire les 1,5 millions DA. Ce qui viendra après concerne en fait le souscripteur et le pourvoyeur de fonds. Le souscripteur, s’il veut être éligible au prêt bancaire, il doit payer entre 400 000 et 500 000 DA supplémentaires.
S’il n’a pas la somme ?
Il paiera le jour de la remise des clés. Il faut que les gens comprennent qu’il s’agit d’une opération commerciale. Croyez-moi, nous sommes en train d’avancer doucement, tranquillement, gentiment, sans excès.
Il y a des gens, et ils sont nombreux, qui souhaitent verser plus d’argent comme apport personnel. C’est possible. Une fois qu’on aura entamé les pré-affectations, la porte sera ouverte à tous les ordres de versement. Ce sera individuel. Chacun est libre de verser la somme qu’il souhaite.
Les logements promotionnels des OPGI coûtent actuellement dans les 14 000 DA le m², alors que le LPP va coûter 95 000 DA le m². Donc, il est même moins cher que la promotion de l’État. On a voulu faire œuvre utile et boucler la boucle. Rural, social, AADl, LSP, pour arriver à une formule marchande avec un peu de soutien de l’État. L’État soutient le terrain, il y a des abattements jusqu’à 80% sur le prix du foncier. Il y a aussi le Trésor qui supporte 2% sur l’intérêt bancaire.
Un logement LPP coûtera combien ?
Ça dépend des marchés, ça dépend de la nature des terrains. Nous étions pour certains terrains obligés de réaliser des fondations en pieux, de descendre à 12 à 13 m de profondeur. Une fois qu’on aura terminé le logement, on aura le prix. À comprendre que dans certains endroits, on construira à 75 000 Da le m², dans d’autres, ça sera 95 000 DA le m². On additionne et on divise par nombre de logements et on trouvera le prix coûtant péréqué. Ce sont des logements de haut standing avec chauffage central, grande cuisine équipée et climatiseurs. Des fenêtres étanches en aluminium ou PVC, une robinetterie de qualité.
Les premiers logements LPP seront distribués quand ?
On ouvre les pré-affectations en décembre après le paiement de la deuxième tranche. L’opération sera transparente, aucun logement ne sera distribué sous la table. Chacun choisira son site. Bien évidemment, certains sites seront plus demandés que d’autres. Pour cela, nous avons réfléchi à une solution. Le fichier de paiement du CPA nous servira de base de données pour élaborer un ordre chronologique. Je m’explique : chaque jour, le CPA nous envoie un compte-rendu sur les sommes versées et les noms des souscripteurs. On aura les premiers souscripteurs, évidement ce sera celui qui a versé le premier et le dernier.
Le choix sera ouvert selon cet ordre chronologique. En décembre, quand le souscripteur ouvrira le site internet de l’ENPI, on lui donnera un mot de passe qui lui permettra de retrouver son numéro d’ordre chronologique. Si le souscripteur a le numéro 200, il ne pourra pas logiquement opter pour le site de son premier choix si le site en question ne contient que 100 logements.
La demande LPP est concentrée à Alger avec 45% des souscripteurs. On sera dans les délais contractuels. Lorsqu’on a un marché, les délais n’excéderont pas les 36 mois. Je pense qu’il y aura des milliers de logements à distribuer à Alger en pré-affectation. Nous avons arrêté une démarche pour booster les chantiers. On travaille avec de grandes entreprises. À Sidi Abdellah, beaucoup de bâtiments dépassent 65% de taux de réalisation. Même chose à Bousmail. À Staoueli, j’ai posé la première pierre il y a sept mois, c’est déjà fini à 55% et on pense que d’ici la fin de l’année, au moins 7 000 logements auront dépassé les 70% dont certains seraient prêts carrément. Les autres principaux sites qui accueillent les logements LPP sont Ouled Fayet, Semrouni , Djenan Sfari, Bouinan.
Il faut savoir que pour certains terrains, comme ceux de Bab Ezzouar et de Bouzaréah, on a joué aux coudes pour les récupérer.
Les souscripteurs AADL qui ont versé par le ministère dans la formule LPP paieront combien la deuxième tranche ? Et quand ?
Ils paieront moins certainement que les souscripteurs LPP. Je n’ai pas encore les détails. Je tiens aussi à préciser que chaque souscripteur AADL peut aussi basculer volontairement vers le LPP en signant une demande écrite déposée au niveau de l’AADL.
Qui est derrière la contestation selon vous ?
Ce sont les promotteurs privés. J’en veux particulièrement à un promotteur qui était, il n’y a pas longtemps, dans les rouages de l’État. Il s’est lancé dans la promotion immobilière à Staoueli. Il a posté sur Facebook des photos de logements sociaux qu’il a présentés comme les futurs logements LPP. Les soi-disant contestataires s’organisent paradoxalement autour d’une coordination, une terminologie plutôt politique. La contestation est infinitésimale. Elle est mise en exergue par certains médias.
Et pour l’AADL 1 ?
On passera fin novembre aux pré-affectations pour les souscripteurs au programme 2001-2002. Pour cette catégorie, les logements sont bien avancés. On compte d’ailleurs remettre les premières clés à partir de la fin du premier trimestre 2016, et ce, d’une manière graduelle. À Alger, nous avons actuellement plus de 40 000 logements dont le taux de réalisation a dépassé les 60%. L’AADL II est un pari que nous avons gagné. 400 000 souscripteurs sont concernés. Nous avions déjà en chantier 230 000 logements. L’excédent du programme 2001-2002 sera réorienté vers l’AADL II. En 2015, nous avons lancé 80 000 unités. On vient de notifier 80 000 autres pour le programme 2016.
Une échéance pour l’AADL 2 ?
On distribuera des logements fin 2016. Quelles que soient les difficultés financières du pays, les 400 000 de l’AADL 2 seront inscrits à raison de 80 000 logements. À Alger, on est déjà à 150 000 logements lancés.
Le gouvernement a-t-il abandonné l’AADL pour les immigrés ?
Le Président s’est engagé pour loger les Algériens. Il ne fait pas de différence entre l’immigré et le résident national. Le dossier est traité par le gouvernement. L’opération est compliquée. En 2014, il y a eu une première réunion au ministère qui a regroupé les représentants des banques publiques, en l’occurrence CPA, BNA, le ministre délégué à l’immigration et des représentants des deux chambres du Parlement. L’opération a buté sur des problèmes techniques. Qui doit bénéficier, comment vérifier les revenus, ou doit-on construire, comment se fera le transfert d’argent ? Je crois que le Premier ministre est d’accord pour ouvrir le promotionnel aux immigrés (logement OPGI et ENPI), mais il n’y en aura pas pour tout le monde. On essaiera de trouver la formule adéquate. Rien n’est encore définitif.
Qu’en est-il pour le logement social ?
À l’arrivé du président de la République, le déficit enregistré en Algérie était de 3 millions de logements ? Peu de logements ont été distribués. Il n’y avait pas de fichier national. On a utilisé toutes les mesures possibles et imaginables pour booster ce logement. On a tablé sur 2,6 millions de logements pour le quinquennal, c’est-à-dire 250 000 logements à réceptionner par an. À Alger, nous avons relogé plus de 25 000 familles. En 2013, on s’était engagés sur 250 000 logements, nous avions réceptionné 2 470 000. On a réceptionné 328 000 en 2014 et 350 000 en 2015 entre le logement social et rural. Les demandes qui ne seront pas satisfaites dans ce quinquennal chiffreraient à 720 000 donc il a fallu un nouveau quinquennal de 7 200 000 logements. Si on compte les 350 000 logements distribués, il ne restera finalement que moins de 400.0000 demandes à traiter.
L’État peine à vendre les logements sociaux locatifs de l’OPGI malgré tout le dispositif attractif mis en place. Pourquoi ?
Nous sommes en train de vendre 571 000 logements sociaux qui ont été réalisés avant janvier 2004, (de 1983 à 2004). Il y a des contraintes. Les décrets d’application ont traîné pendant trois ans. Puis les prix proposés étaient élevés. 18 000 DA le m² alors qu’on a réalisé ces logements à 10 000 DA/m². On a baissé ce prix à 12 000 DA, avec des atténuations à tel point que celui qui réside à Tindouf n’a rien à payer, si bien sûr il assurait le loyer. À Alger, le logement peut être cédé à 700 000 DA le m². Bureaucratie aidante, on a dissous les commissions de Daïra. En réalité, cette commission n’a rien à faire dans ce dossier. On vend à tous ceux qui veulent acheter. On a allégé le dossier. Et normalement en 24 heures, le locataire peut avoir l’estimation de sa maison. Les choses s’accélèrent depuis.
Beaucoup de litiges sont enregistrés autour des logements LSP. Comment comptez-vous les régler ?
C’est une formule créée pour faire oublier l’AADL mais le LSP portait en lui les germes de contentieux parce qu’on a mis en face le citoyen et le promoteur avec un parrainage de l’État. Ça n’a pas marché. Le promoteur pouvait élaborer sa propre liste si au bout de trois mois il n’en reçoit aucune de la part de l’administration. Ça m’amène à la question suivante : s’agit-il seulement de construire des logements et de les distribuer ou bien de régler un problème de crise et permettre à ceux qui sont dans le besoin d’habiter ?
Tout le monde n’est pas promoteur, certaines constructions traînent depuis 10 ans. Les souscripteurs LSP sont fichés au fichier national du logement donc aucune possibilité d’aller vers d’autres formules. Je viens de nommer un Monsieur LSP. Nous avons un mois pour faire l’audit des chantiers. On va tenter de trouver des solutions. Ce sont 80 000 logements qui posent problème. 85% des promoteurs LSP n’ont pas souscrit à l’assurance auprès du Fonds de garantie de la promotion immobilière. Certains ont pris la fuite après avoir encaissé l’argent. S’il y avait l’assurance, il y aurait eu la possibilité de subrogation. On aurait terminé le logement à la place du promoteur. On va prendre des textes dérogatoires pour permettre au Fonds de garantie de prendre en charge quelques chantiers abandonnés et finis à 85%. Je ne m’engage en rien. Je réfléchis à haute voix. La fin novembre on prendra une décision.
L’austérité touche-t-elle votre secteur ?
C’est un choix du Président. D’abord, et contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas un secteur budgétivore. Ce qui nous reste, on peut le réaliser avec 15 milliards de dollars. On importe bien pour 60 milliards de dollars. En plus, le secteur est en train de faire gagner de l’argent au Trésor public. On utilise les moyens de production nationale. On a beaucoup de projets en chantier qui ne peuvent pas s’arrêter.
La location est le maillon faible du secteur. Un domaine qui semble abandonné par l’État. Pourquoi ?
Certains posent le problème de la création d’un marché de location beaucoup par méconnaissance de la réalité nationale. On peut plafonner un loyer par un décret, c’est très facile, mais au bout de compte, le citoyen n’est-il pas complice avec celui qui lui loue en versant la différence au noir. Il y a une situation de pénurie et aucun économiste au monde, aucun régulateur ne peut réguler une pénurie et asseoir une démarche cohérente dans ces conditions. Les choses évoluent, on constate que la crise diminue. Beaucoup de logements sont mis en vente. La spéculation va démunir quand l’offre sera plus importante. Pour le marché locatif, il viendra son temps.
Source : TSA